Les belles histoires de l'Uncle Pomme Part I

Les pieds-chaussés-de-chaussons foulent enfin le sol de la Sardaigne...

Après avoir ricoché au petit matin sur les côtes Corse et les bouches de Bonifacio, la Sardaigne se dévoile à nos pieds... On a laissé l'île Asinara sur notre droite pour accoster à Porto Torres, plaque tournante du trafic portuaire du Nord de la Sardaigne.

Passée l'effervescence habituelle du débarquement d'un ferry, une seule idée réussit à surnager : trouver un topo...trouver LE TOPO sacré ! Et oui comme souvent pour les voyages lointains la quête du Saint Topo est loin d'être achevée. Nous cavalons donc vers la plus proche cité fortifiée : Sassari. Les magasins de sport, les librairies, les papeteries subissent illico nos furieux élans avides de parois...

Si çà vous arrive et si comme nous vous avez pris espagnol ou allemand en seconde langue voici un petit détail technique : Grimpar ne veut pas dire grimper, c'est Arrampicar en italien ! Après avoir attaqué toutes les échoppes spécialisées de Sassari il nous faut nous rendre à l'évidence : nous avons débarqué à l'opposé de la terre sainte de l'Arrampicata Sportiva in Sardegna. Qui est plutôt à 175 km plus bas à vol d'oiseau, dans la plus grande ville Sarde : Cagliari... Oh malheur oh désespoir...oh topo ennemi ! Que n'ai-je tant grimpé pour me voir floué, le moral plombé dans ce lieu sans amis ! La situation se résume alors à la question à 10 clous : comment grimper sans topo dans une terre d'infidèles au dieu blond du Verdon ? D'autant plus que l'un de nos glorieux croisés (de Lille) n'atterrit à l'aéroport d'Alghéro que dans un jour et demi...

Enfin comme nous restons de vaillants et pugnaces soldats du baudrier on finit par récupérer des infos par petits bouts sur un site à Capo Caccia (je vous passe les péripéties !). En chemin la petite barre rocheuse de Placche di Player, visible de la route, nous aguiche l'œil. "Dis tu crois que c'est équipé ?" "Mais oui ! Si près de la route forcement ! " Z'y va z'y va pas ? Allez, on ne fait ni une ni deux et notre matériel sur le dos on monte à l'assaut ! Misère, cette place forte se révèle difficile à enlever : il est où le chemin ? A notre humble avis de troupier, après saccage (de nos mollets !) il y là peu de richesses digne d'intérêt (non, non même pas une pucelle bien galbée à livrer à vos grosses pattes dévergondées !). A fuir ! Nous fuyons donc, la corde entre les jambes, pour nous préoccuper alors de la seconde priorité du grimpeur itinérant : la quête du bivouac. Et là ça le fait ! On se pose dans le charmant camping Maria Pia d'Alghéro, en bord de la plage du même nom s'il vous plaît, non mais ! Muni du camp de base salvateur nous pouvons ensuite reprendre notre cavalcade enfiévrée vers le cap magnifique de Capo Caccia. La chariote laissée sur la petite bretelle d'accès au belvédère, la Cala d'Inferno se découvre impudiquement du haut de ses 200 mètres de falaise. Avec un nom pareil une petite pointe d'angoisse ne vous titille pas la glotte mon cher ? Mais non enfin ! N'oubliez pas que nous sommes des gredins du roc...'n wall attitude, yeah ! Un court chemin très escarpé sur le flanc du rocher nous descend d'environ 30/40 mètres pour déboucher sur la piste de danse, en face de la charmante petite île de Foradada.
Ah, enfin du dévers pour les pauvres affamés que nous sommes ! C'est comme si une titanesque pelle mécanique avait creusé la paroi en profondeur, d'un seul coup de son énorme godet. Ca fait une drôle d'impression de se retrouver dominé par cette sorte de grande grotte à ciel ouvert, avec une terrasse largement suffisante pour s'installer mais pas pour jouer au tennis, à mi-chemin entre la mer et le ciel...! C'est Casarotto, nommée ainsi en l'honneur d'un grand alpiniste italien. Certains clous esseulés figureraient bien dans des pubs pour produits qui dérouillent. Ce qui nous pend au nez aussi car ça déverse dur dans le 7... On commence par la gauche de la grotte, plus tranquille mais bien technique et niaqueuse quand même. Puis on se lance dans la Strapiombantissima parete comme ils disent ici. Après un départ zarbi bien bloc, les pieds en live et les phalanges crispées, on s'insinue dans la faille béante du milieu de la grotte tout en improvisant des repos et de belles lolottes en oppo. Le calcaire est comme boursouflé de prises arrondies bien lisses, où la préhension se fait principalement en tendu...ce qui met bien à mal notre continuité. C'est ludique et pimenté par cette pointe de stress qui augmente parallèlement à la saumure déposée par les embruns. Et oui, pourquoi pensiez vous qu'on l'appelle la calanque de l'enfer ? Je vous laisse imaginer la fureur des tempêtes qui y battent les parois... Que d'énergie nerveuse dépensée pour sortir sur ce p... de plateau, dans le surplomb en bombé légèrement glissant qui finit la grotte, à environ 25 mètres de la terrasse et 170 de la mer ! J'ai bien cru que j'allai rester là fossilisé comme une excroissance du rocher ! Va falloir travailler la conti Uncle Pomme si tu veux pas devenir l'égérie de Newton !
Ca tombe bien...on est là pour 2 semaines grand...! On s'emmêle un peu dans les moules en travaillant les voies, on se fait des petites/grosses frayeurs les avant-bras acide lactiqués en enlevant les paires. C'est que si tu tombes à ce moment-là tu ne touches plus la paroi mon brave ! Ce qui est autant de jus à trouver pour y recoller... On continue à suer et à souffler à qui mieux mieux mais le Maître des lieux ne se montre pas malgré la chaleur qui monte en nous ! Nos efforts nous laissent hagards, environnés de falaises crayeuses qui nous chantent le vent. De l'autre côté de ce bleu de mer l'isola Foradada nous contemple sereine. On se prend à rêver d'y tomber d'un vol léger. L'envie nous prend de nous allonger là et d'y rester mais la réalité nous rattrape...nous ne tenterons pas les diablotins cette nuit...

De ce cadre sauvage unique, environ 150 m au-dessus de la mer, essentiellement déversant avec quelques 5c/6a en dalles (évalués car pas de topo) et une vingtaine de voies en tout, nous sommes donc reparti cassés et comblés par notre premier vrai plaisir Sarde ! Comme nous l'avons fait vous pouvez ajouter à ces paysages de bord de mer superbement dentelés, les beautés renommées de la grotte de Neptune à la pointe du cap ainsi que la toute proche Cala Calcina, dont l'eau transparente des tropiques incite à s'y abandonner corps et biens...

Et ensuite que va-t-il se passer ? Le terroriste Lillois va-t-il réussir à détourner son airbus sur Alghéro ? Y-a-t'il encore vraiment de la bonne grimpe à consommer ? Et enfin, nom d'un petit gratton, n'est-ce point une légende de sorcier ce topo ? Vous le saurez au prochain épisode...

Uncle Pomme

 

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