Ethique du grimpeur : n'achetons pas de topos pirates !

Pour que les points puissent être changés régulièrement... achetons des topos UTILES !Grimper sur un site équipé, c'est profiter du travail des équipeurs. Pour participer à l'équipement et à l'entretien des sites, l'éthique veut que nous achetions les topos, sans les photocopier. Ainsi les bénéfices issus de la vente des topos sont investis dans le matériel nécessaire à l'équipement (plaquettes, colle, chaînes, maillons, perforateurs...). Le travail en lui-même, le temps que ces équipeurs passent à nous ouvrir la voie, n'est pas rémunéré.

Sur certains sites, l'absence de topo édité par les équipeurs justifie la présence d'un topo, le plus souvent gratuit comme on en trouve sur internet ( exemple sur www.grimpe65.com). Pour les sites de bloc, la question du coût matériel de l'équipement ne se pose pas. On peut d'ailleurs trouver le topo de Bleau gratuitement sur le site drtopo.com en format pdf. Pas de problème d'éthique.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quand sont apparus les premiers topos-pirates...

Un "topo pirate", c'est un topo qui :

  1. concurrence un topo (non pirate) existant
  2. ne reverse pas les bénéfices de sa vente à l'équipement et à l'entretien des sites

Faire un topo pirate qui marche, c'est assez facile si on a la "fibre marketing" : il suffit d'aller au pied des voies, de gribouiller un schéma, si possible plus joli que celui du topo d'origine, et de recopier les noms et les cotations inscrits sur la paroi (ou directement sur le topo d'origine). Ainsi, sous le fallatieux prétexte d'offrir aux grimpeur un bel objet qu'il sera fier de posséder, on détourne les fonds initialement réservés aux équipeurs. Or ces équipeurs sont sans doute moins doués en marketing, mais ce sont eux qui ont investit de l'argent dans l'équipement du site.

Beaucoup d'équipeurs comptent sur la vente de leur topo pour financer l'achat des points et des relais que les subventions de la FFME ne couvrent pas. Si ce financement venait à être détourné par des sociétés à but lucratif, c'est le nombre, la qualité, et la sécurité de nos sites qui en subirait les conséquences.

C'est donc à nous, grimpeurs, de distinguer les bons des mauvais topos... sur papier et sur internet car certains sites web progettent déjà de faire payer des topos existants sans reverser le moindre centime d'euro aux équipeurs...

Exemple de topos pirates :

EQUIPEMENT ET ENTRETIEN DES SITES :

Qui équipe et entretien ? | Qui finance ? | Qui en profite ?

Comment les équipeurs financent-ils les points , les relais, les perforateurs, les mèches ? (coût en matériel pour l'équipement d'une longueur estimé à 30 Euro)

  • Par leur propres deniers (assez courant dans l'Ariège par exemple où les sites ont été équipés "perso")
  • Par les associations qui éditent les topos (type Leï Lagramusas au Verdon, ou Dévers à Saint Antonin Noble Val)
  • Par le CDFFME qui participe à l'édition du topo
  • Par le topo qu'il éditent eux-mêmes
  • Par une commune, une région, ou un complexe touristique (dans ce cas, l'équipeur est même généralement rémunéré)

Selon l'éthique décrite ci-dessus, qui a la légitimité pour éditer un topo ?

  • Un ouvreur qui a financé l'équipement d'un site seul (très rare ...)
  • Une association, ou un CDFFME qui finance l'équipement et l'entretien des sites en fournissant gratuitement le matériel aux équipeurs bénévoles.
  • Le commune ou la région ayant financé l'équipement.

Cela suppose la gestion de chaque site non pas par un équipeur isolé, mais par une entité de type associatif qui se chargerait :

  • de négocier les accords avec le propriétaire de la falaise et avec les organismes de protection de la nature
  • de définir les règles de l'équipement sur ladite falaise (prises taillées, sicatées, espacement des points, rééquipement, etc ...)
  • de réunir les fonds nécéssaires à l'équipement et à l'entretien du site par 2 moyens :
    • subventions (FFME, sponsors, locales, etc ...)
    • bénéfices issus de l'édition d'un topo (= CA des ventes - coûts d'édition)
  • de rassembler les équipeurs bénévoles autour de ce projet en leur fournissant gratuitement le matériel

Ce type de gestion est déjà en place sur un très grand nombre de sites, et notamment sur les plus connus. Quid des sites non gérés par une entité associative ?

Pour les autres sites, notamment ceux équipés par des grimpeurs isolés qui n'ont pas pu, ou pas voulu être financés, on voit apparaître de plus en plus de topos édités par des gens n'ayant pas posé un point sur le rocher (ou très peu). Les noms des ouvreurs sont rarement cités, ou aléatoires. Les noms des voies également. Le temps passé à rédiger un topo n'est pas comparable au temps passé à équiper.

Des topos qui ne reversent rien à l'équipement, avec la bonne excuse que l'équipement n'est pas organisé. Le topo n'existait pas, ou bien c'était un dessin qui circulait entre les grimpeurs du coin. Le topo édité a donc le mérite d'exister, et il n'est donc pas à proprement parler un "topo pirate", mais se faire de l'argent en récupérerant le travail des autres ... ça s'appelle comment ?

 

Droits de l'équipeur ?

Le code de la propriété intellectuelle précise que "L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial"

Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code ;

  • Les oeuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie
  • Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences

La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée. Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction

Un équipeur qui ouvrirait une voie en toute légalité (avec l'accord du proriétaie de la falaise) en signant la voie de son nom, serait donc titulaire d'un droit de propriété incorporelle sur cette voie. Toute représentation de cette voie est donc soumise à des droits d'exploitation de l'oeuvre de l'équipeur. Aucune jurisprudence n'est connue à ce jour sur cette interprétation du code de la propriété intellectuelle... mais pourquoi ne pas protéger les droits de l'équipeur ?

 

Vos réactions

daniel.girardelli <daniel.girardelli@wanadoo.fr> / Co auteur du topo de Saint Antonin Noble Val

Complètement d'accord avec votre approche de la copie des topos... Nous nous occupons bénévolement de la création et l'entretien des voies depuis 20 ans pour pas un rond. En plus quand on équipe on ne grimpe pas et donc le niveau baisse. Copier un topo sans aucune participation est malhonnête et rend l'auteur indésirable dans notre communauté de grimpeurs.
Daniel Girardelli président de Dévers ( club regroupant les équipeurs de la vallée de l'Aveyron )

Jean-Pierre Banville <jpbanville@teraxion.com> la situation au Québec

Je tiens à te remercier d`avoir mis en lumière le problème des topos pirates . Tu sais ce que j`en pense : c`est un problème de conscience et d`honnêteté individuelle qui sera très difficile à étouffer . Ici , au Québec , la plaie des photocopies a été pour un peu dans la naissance de drtopo : il était devenu extrêmement difficile de publier un topo sans voir tous et chacun se promener avec une photocopie au pied des voies .

Ca me mettait en beau maudit et j`ai proféré quelques menaces mais je ne suis pas la police des consciences . Et j`ai bien d`autres choses à faire …

J`investi une partie de mon revenu personnel dans l`ouverture de voies mais il est clair que le manque de financement a freiné le développement de falaises équipées dans notre province . Et créé des aberrations tels que des voies mixtes bolts-coinceurs et l`espacement des points hors de toute commune mesure créant des risque de chutes au sol au troisième point . L`escalade est ici marginale et considérée par la population comme un sport extrême … ce n`est pas pour arranger les choses ! Je suis pour les financements alternatifs car la solution du topo en vente a prouvé son inefficacité : tu en vends 100 et tu en a 600 en circulation deux jours après . Pas de Fédération qui subventionne l`ouverture dans notre coin , juste une qui vient chercher $45. aux grimpeurs , argent qui sert à payer les fonctionnaires et ce sans leur offrir le moindre service . Aucune aide non plus du coté des villages qui voient plutôt dans l`escalade une source potentielle de problèmes avec les assurances : il ne versent jamais un sous . En fait , je ne connais qu`une paroi qui a été équipée sur commande et j`ai appliqué mon véto à son ouverture cette fin de semaine : un désastre majeur sur une paroi malsaine dont la moitié s`est effondrée la semaine dernière . Voilà aussi un autre aspect du problème : qui peut équiper ? Tout le monde ici et de toutes les facons sans n`avoir jamais eu connaissance des œuvres du Cosiroc dans le domaine .

Le financement par topo c`est la solution facile mais je crois que dans un monde où la conscience devient de plus en plus élastique , les équipeurs devront user de leur fibre marketing s`ils désirent amasser des fonds pour leurs projets .

Mais plus encore , ton article a éclairé une nouvelle perspective que je saisissais vaguement sans pouvoir la cerner . Le droit de l`ouvreur et la propriété intellectuelle ! Quelle idée de génie que d`avoir réussi à lier l`équipeur à son œuvre finale … on considère toujours que c`est un don à l`humanité que toutes ces voies et qu`après avoir placé le dernier point on n`a plus de regard sur le produit fini . J`imprime donc ce document que je vais conserver avec soin en archives en prévision de ma prochaine discussion concernant l`équipement des voies .

Si tu as des contacts de ton coté sur une association d`équipeurs tel qu`il en existe une en Espagne , prière de me refiler le tout . Travailler en vase clos c`est lassant à la fin et bien que j`ai des amis très proches au CAI de La Spezia , je ne détesterais pas tisser des liens plus étroits avec des collègues francais ; même quelques contacts intéressants feraient l`affaire s`ils sont disposés à délirer via internet sur leurs projets , leurs problèmes techniques et leur facon de faire . Utopique ? Je ne crois pas … Ce pourrait même être un « pet-project » pour U-CLIMB !

 

 

affaire à suivre sur U-Climb.com !

Isabelle MAKA - U-Climb.com

 

© 2000-2002, U-Climb.com, | reproduction interdite | Mentions légales| contact Webmaster