Fantastique
Josune
Interview de Josune Bereciartu accordée à Hector Del Campo pour le magazine Desnivel. Traduit de l'espagnol par Isabelle Maka.
Son enchaînement de Bain de Sang, 9a, restera marqué comme un des grands évênements de l'histoire de l'escalade sportive. Ce 9a dalleux, d'un style complétement opposé aux dévers à bonnes prises actuellement à la mode, avait été ouvert par Fred Nicole. Voici ses impressions sur la voie :
Je suppose que tu es consciente de ce que signifie une perf comme celle-là...
Oui, je dois dire que c'est un cap. Ca ne me quitte pas, c'est quelque chose qui restera pour toujours...
Ca a été très dur ?
Et bien, en tout, je crois que j'ai mis 15 ou 20 essais repartis sur 2 voyages, même si pour moi, c'est un projet commencé il y a deux ans. Je veux dire que ça fait deux saisons que j'ai décidé de m'attaquer au 9a, et que depuis ce moment là, je peux t'assurer que je me suis entraînée dur, très dur. Mon objectif était de m'améliorer en tout : force, explosivité, rési, conti... Ca n'a pas été rose tous les jours, il a a eu des bons et des mauvais jours, et Rikard (Otegui) le sait bien (rires).
Pour moi, c'est une énorme satisfaction, le fait de me fixer un objectif si ambitieux, si loin, et de finalement parvenir à le concrétiser. C'est vraiment ça qui m'a motivée. Je voulais aussi dire que tout ça n'aurait pas été possible sans l'aide de la Fondation Kirolgi (une fondation privée dont l'objectif et de promouvoir le financement des sportifs basques) sans vouloir faire de pub, je ne peux pas oublier que ce sont eux qui m'ont dit "arrête de travailler pendant un an, mets toi à 100% sur ton projet, et on te soutient. Si ça marche, c'est bien, sinon aussi". Je ne pourrai jamais les remercier assez.
Tu t'es entraînée plus que pour les autres voies ?
Je te répondrais que je me suis entraînée beaucoup. Et quand je dis beaucoup, c'est beaucoup. Et je fais ça pour chacune de mes voies. Par exemple, quand j'ai décidé de tenter El pilar del Cantabrico, les gens n'arretaient pas de me dire que, comme j'avais déjà sorti un 8c+, je n'aurais pas de mal à enchaîner la voie. Mais j'ai du m'entraîner très sérieusement, et je n'ai pas honte de le dire. Je sais bien qu'il faut lutter pour obtenir ce que l'on veut, et en escalade, il n'y a ni raccourcis, ni miracles qui te rendent plus forte.
Pourquoi Bain de Sang ?
D'abord, parcequ'il y a deux ans, il n'y avait pas assez de voies en 9a pour ne pas savoir laquelle choisir. Il est aussi certain que pour moi, Fred Nicole reste Fred Nicole, c'est à dire une référence indiscutable de la haute difficulté, d'où l'idée de tenter deux voies : Elfe et Bain de Sang. Quand on est partis en Suisse, l'idée était de tenter les deux voies, mais finalement, j'ai décidé de me concentrer sur Bain de Sang, qui est celle dont la cotation est la plus confirmée.
Curieusement, il s'agit d'une voie en dalle dont le style est totalement opposé à la mode actuelle. C'est un hasard ?
Non. Si tu prends les voies que j'ai faites récemment comme Macumba Club, El Pilar Cantabrico, Les Spécialistes... ce sont toujours de voies qui se distinguent par quelque chose de plus que leur cotation.Pour pouvoir me motiver à 100%, j'ai besoin d'être attirée par la voie. Bain de Sang, de par son style et son histoire, m'a sufisamment motivée pour que je concentre toute mon énergie sur elle.
C'est vrai que Fred Nicole était au pied de la voie quand tu tapais tes essais ?
Oui, pendant mon premier voyage, il est venu et m'a félicitée. Mais ça n'a pas été le seul. Le jour où j'ai enchaîné, il y avait cinq grimpeurs dans le même secteur, et les cinq avaient au moins un 9a à leur tableau de chasse. L'ambiance était très bonne et ça donne toujours la pêche.
Ca ne te met pas la pression quand un groupe de grimpeurs vient te voir ?
Pas du tout. Au contraire, moi, ça me motive. Ce qui me met la pression, c'est quand on me dit "allez, tu as fait un 8c+, c'est pour quand le 9a ?". Ca vient de m'arriver avec Bain de Sang; il y a des gens qui se demandent quand je vais faire un 9a+. Ca, oui, c'est pénible : c'est comme si tu devais répondre aux attentes des gens. Moi, j'ai besoin de temps pour savourer mes enchaînements et je n'aime pas parler d'objectifs alors que je viens tout juste de descendre de la voie.
Qu'as tu ressenti en enchaînant la voie ?
En vérité, rien.
Ce jour là, tu savais que l'enchaînerais ?
Oui, précisément.
Tu l'as fêté dignement ?
Avec un Bourgogne de 1969 !
69 ?!
Oui, de la cuvée de la famille de mon ami Jean-Pierre. Tout un luxe !
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