Grimper
n°50 commenté par Florent Wolff
Quelques
chiffres (eux, au moins, ne mentent pas) pour commencer ce petit décorticage
du dernier numéro de Grimper, désormais unique magazine de référence de l¹escalade
en France.
- On compte
100 pages pour un prix de 29 F. Le prix est loin d'être excessif et n'a augmenté
que de 1 F en 6 ans. On peut applaudir cet effort.
- En hiver,
il ne faut pas être trop pressé, car il ne
sort que tous les trois mois (le dernier couvre novembre, décembre,
janvier). Cela peut paraître assez peu vu que l'hiver constitue de moins en
moins une saison morte pour l'escalade. De nombreuses perfs en bloc (activité
en plein essor, est-il besoin de le rappeler ?) comme en falaise (c'est la
période propice pour de nombreuses falaises du sud ou d'Espagne !) se font
en hiver. Par contre, c'est effectivement la saison morte pour les compétitions,
ce qui révèlerait de façon flagrante l'orientation du magazine vers cette
pratique.
- D'ailleurs,
sur les 100 pages du mag, 20 sont consacrées à la compétition (y compris le
dossier sur l'olympisme), contre 19 seulement pour la falaise. Ce qui confirmerait
la tendance du magazine à se tourner d'avantage vers
les compétitions.
- Mais ce qu'on
trouve le plus dans ce Grimper, ce ne sont ni les articles de compet', ni
ceux sur les falaises (ou les falaisistes), ce sont les publicités. En effet,
on en trouve 27 dans ce numéro, ce qui expliquerait le prix relativement bas.
Cela dit, il est difficile de critiquer cette large place faite aux pubs,
car c'est un mouvement quasi général dans toute la presse condamnée, soit
à monter (récemment Marianne qui passe de 10 à 15F) les prix, soit à garnir
la revue de pubs.
- On trouve
également 8 pages de news (" in vivo "), ce qui
est assez fourni, ou du moins dans la moyenne des autres magazines d'escalade.
- Une grosse part est consacrée à un dossier spécial glace, soit 23 pages.
Penchons-nous
maintenant plus précisément sur le contenu de ces articles.
- Les news
tiennent plutôt la route, elles sont simples, concises et vont à l'essentiel.
On peut néanmoins se demander où est passée la chronique de Bleau, cette dernière
étant on ne peut plus justifiée, surtout en cette saison. On remarque également
que ces actus traitent avant tout de réalisations américaines et françaises
(ou sur le sol français) ; aussi des pays aussi importants que le Royaume-Uni,
l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne (qui parle des 8b bloc régulièrement ouverts
dans le Frankenjura ?) sont pour le moins oubliés.
- Puis vient
une enquête très sérieuse et documentée sur l'escalade
et l'olympisme. Passons sur mon désaccord total avec cette défense,
pis, cette éloge sans concession de l'escalade olympique. Visiblement, Grimper
qui indique dans ce même numéro (p 20) s'être, à une époque, " orienté clairement
roots ", change de credo. Il accorde une place toujours plus large à la compétition,
et semble soutenir l'idée (apparemment utopique, ouf !) que l'escalade devienne
une discipline olympique. C'est un choix très personnel qui devrait faire
débat or le magazine le pose comme si tout le monde s'était accordé à cette
idée. Loin s'en faut.
- Enfin, on
arrive au premier article traitant de falaise, sur "
Les 6a de Buoux ". Le titre se veut sans doute contrer les nombreuses
attaques de lecteurs se plaignant d'un Grimper trop élitiste et ne s'occupant
que des octogradistes. C'est en fait un article assez confortable à réaliser
(on ne compte plus les articles sur Buoux, falaise la plus médiatisée au monde,
l'article prend la forme archi-conventionnelle de commentaires -succincts-
sur quelques voies, ce qui est bien moins utile que n'importe quel topo).
Il est cependant bien rédigé (la bonne verve de Vincent Albrand), mais par
contre traite tout autant de 6b que de 6a. Saluons également les photos qui,
ici, ne sont pas de simples prétextes aux grimpeurs forts d'exhiber leurs
sponsors (comme cela a souvent été le cas), les marques et autres stickers
étant même assez discrets.
- Puis, le
clou de ce N° 50, le " Dossier glace " et ces
23 pages en plein milieu du magazine. L'enquête et les articles sont bien
informés, complets voir exhaustifs. On peut juste se demander la place d'un
tel dossier dans un magazine d'escalade. Peut-être aurait-il eu plus de légitimité
au sein d¹un magazine de montagne ou d'alpinisme. Mais pourquoi pas ? Cela
écarte Grimper de son image élitiste, et le situe comme un magazine ouvert
à toutes les pratiques. Petite réticence tout de même sur la partie " matériel
" (5 pages) qui présente divers outils pour la glace, au mieux dans la neutralité
la plus totale (style catalogue "Vieux Campeur") voire carrément dans
un style complètement dithyrambique. On serait en droit d'attendre un ton
un peu plus critique de la part d'un magazine, qui se doit d'être objectif
et indépendant.
- Viennent
6 pages sur Chris Sharma à Céüse, vous
avez compris qu'il s'agit du feuilleton " Biographie ", qui ne semble pas
sur le point de s'arrêter puisque le principal intéressé n'a toujours pas
fait la croix de ses rêves. Le style de l'article est assez chaleureux, mais
son contenu assez pauvre, sinon fétichiste. " Chris a fait un repos dans la
voie d'échauffement ", " Chris porte un short et des manches courtes ", "
Chris s'étire les doigts ", " Chris tombe au crux ", " Chris a tiré sur ma
clope ". Ce qui était annoncé comme une " journée particulière " est en fait
une journée somme toute assez banale, l'archétype d'une journée en falaise
(mis à part la cotation, sûrement élevée, de la voie). " Christ " Sharma n'en
paraît pas moins un personnage largement sympathique, mais je ne sais pas
s'il se réjouit d'un tel fatras médiatique autour d'une voie qu'il n'a toujours
pas faite. Un peu comme à l'époque, le projet de Ben Moon à Kilnsley (d'ailleurs,
on en a étonnement beaucoup moins parlé quand Steve Mac Lure a enchaîné la
fameuse voie, comme si l'on parlait plus en ce moment des projets que des
choses faites).
- Puis un
article de Liv Sansoz sur sa belle croix aux States,
et surtout une photo en quasi pleine page où, sur 2 cm2, on retrouve 8 stickers
de marque fièrement arborés par l'intéressée, belle densité promotionnelle.
- Arrive la
partie " comp ", ou compétitions comme vous pouvez vous en douter.
Avouons-le de suite, cette partie, que j'ai dû me forcer à lire pour pouvoir
en parler ne suscite guère mon intérêt, ni celui de nombreux grimpeurs autour
de moi. Car ces 8 pages de compte-rendus de qualifications, de finales " à
suspens ", d'élimination " prématurée ", de classements " chamboulés ", sont
assez indigestes. Ceux qui étaient présents à ces compétitions ont
vu de leurs propres yeux, et ceux qui n'y étaient pas s'intéressent au mieux
au classement brut, et pas forcément à X qui a gagné devant Y par trois prises,
mais échoua dans le bloc B, puis fut disqualifié au temps, ce qui l'a fait
perdre 3,6 points au tableau général. Si la compétition d'escalade a déjà
du mal à être un spectacle correct en soi, il m'apparaît quasiment impossible
d'en faire des récits qui tiennent la route. - Puis, le compte-rendu du concours,
RAS sinon que la majorité des couvertures des lecteurs sont très drôles. Assurément
un concours à reconduire, à mon goût plus intéressant que n'importe quelle
coupe du monde.
- Enfin, le
cahier " 5c 6a " créé lui aussi
pour redorer l'image populaire et accessible du magazine. La fameuse (car
très ancienne) rubrique " Method ", ou comment rationaliser la spontanéité
des mouvements d'escalade. Cette rubrique, pas bien méchante au demeurant,
tente toujours d'expliquer des positions et autres gestes souvent exécutés
instinctivement par le grimpeur.
- Puis une
petite page sur deux longues voies à Presles,
par Philippe Brass, dont on regrettera sa rubrique " Mort de la science-fiction
".
- Et pour clore
le tout, l'inévitable et traditionnelle page
" kiné ", souvent très utile.
Grimper N°50
est donc un objet assez inégal, naviguant entre le bien et le très chiant. Et,
si le magazine a fait pas mal d'efforts ces derniers mois (plus épais, meilleure
mise en page, ...), on regrette encore le peu d'interviews de grimpeurs (et
grimpeuses), l'absence d'articles indéniablement plus " littéraires " de Philippe
Brass et surtout de David Chambre qui nous régalait autrefois de ses nouvelles.
Mais, comme on dit : " le mérite d'exister " ...
Florent
Wolff - U-Climb.com
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