Escalade et J.O. : un mariage forcé ?

 

Dans ce même site, vous avez pu découvrir l’intéressante interview de M. Scolaris qui, visiblement, défend l’entrée de notre sport aux Jeux Olympiques. Il avance même la date de 2006 pour les J.O. de Turin.

Premier problème auquel M. Scolaris répond avec assurance : l’escalade sera aux J.O. d’hiver car " trop en décalage par rapport aux jeux d’été ". C’est oublier un peu vite que l’escalade, tant en compétition (les deux grands opens, Serre-Chevalier et ! Arco, ou la très médiatique Coupe du monde de bloc) qu’en falaise (le grand public touche avant tout le rocher durant la période estivale), connaît l’apogée de son succès pendant l’été, saison qui ne fait déprimer que les bleausards.

Puis, M. Scolaris nous apprend que " Turin est le berceau de l’escalade sportive ". Je savais que des villes comme Yalta (pour la vitesse), Bardonecchia (1ère compétition internationale d’Europe occidentale) ou Vaulx-en-Velin (1ère compétition internationale en France) avaient joué des rôles d’importance dans l’inexorable marche de notre sport vers la compétition. Par contre, j’ignorai que Turin avait joué un rôle historique, dans ce processus. Posséder un mur d’escalade dès 1980 e! st, reconnaissons-le, assez précoce, mais de la à qualifier cette ville de " berceau mondial ", il n’y a qu’un pas que M. Scolaris franchit allégrement.

M. Scolaris nous annonce également que " l’escalade a une image de sport pur ". Il est vrai qu’en comparaison au procès Festina et aux transferts de footballeurs à 200 millions de Francs, la grimpe paraît bien peu entachée. Mais, là encore, il ne s’agit pas d’oublier que la fédération autrichienne s’élevait l’an dernier contre des compétitrices (et compétiteurs) toujours plus maigres, jusqu’à imposer des limites de poids minimum à ne pas dépasser. L’exemple (ou plutôt le contre-exemple) de sportifs anorexiques vaut-il bien mieux que celui de sportifs dopés ? ! Rien n’est moins sûr. Puis M. Scolaris admet avec une certaine lucidité que " rentrer aux J.O., c’est beaucoup de politique ". L’escalade fut jusque-là relativement épargnée par les impératifs inhérents à notre " société du spectacle ". Mais si elle conserve, tant bien que mal, une image pure, le C.I.O., baignant dans les affaires et présidé par un ancien ministre franquiste, et toute la mascarade olympique qui en suit, ne risquent-elles pas de contaminer notre noble sport ? Ainsi, cette perspective de voir la grimpe mêlée à des négociations fumeuses et qui plus est, comparé à un " sport " tel le Bridge ou le très polluant ski nautique, ne peut guère me réjouir. C’est assimiler l’escalade, sport véritable et légitime, à des activités peu reluisantes (je n’ai rien contre le Bridge, mais au J.O., c’est un comble…).

Par contre, je ne peux qu’acquiescer quand M. Scolaris nous dit qu’il souhaiterait que " l’escalade se développe vers des régions non montagneuses " (quoique l’exemple de la Belgique ne m’apparaisse pas comme le plus opportun, au vue de la saturation de ses S.A.E. à comparer à la désertification de sa belle falaise —Freyr-). Il est également vrai que l’escalade est sans doute plus spectaculaire que de nombreuses disciplines olympiques (à Sydney, on a beaucoup ironisé sur l’inutilité de la médiatisation de sports comme le tir, qui ne réjouit guère que les insomniaques et les aficionados), mais je ne pense pas pour autant qu’elle p! uisse irradier les foules comme peuvent le faire d’autres sports, plus populaires, plus lisibles, à l’affrontement plus direct. J’ai d’ailleurs déjà amené des " profanes " à des compétitions d’escalade et ils s’y sont souvent ennuyés…Comme moi, voir même comme les compétiteurs qui rechignent contre les longues heures d’isolement. Il faut reconnaître que la compétition d’escalade n’est pas encore une mécanique bien huilée, comme celle qui attire foules et dollars à tous les coups.

À force de toujours vouloir copier d’autres sports, de se couler dans le moule de manifestations qui n’ont que peu à voir avec les valeurs de la grimpe, celle-ci ne risque t-elle pas d’en oublier ses origines, son essence fondatrice (celles de la contre-culture, d! es pensées alternatives, entre autres). Ne nous y méprenons pas : je ne continue ni à alimenter des polémiques rétrogrades (telles celles qui entouraient l’arrivée des premières compétitions dans les années 80) ni à m’élever avec vigueur contre la compétition et l’Olympisme. Je constate simplement que l’escalade sportive, qui a connu un développement des plus rapides ces vingt dernières années, devrait emprunter la voie de la sérénité, qui est celle de la maturité.

Florent Wolff - U-Climb.com

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