Vertical Limit

Texte de Florent Wolff

Pour un grimpeur, il est difficile de voir ce film sans se poser tout du long la question de la plausibilité de telle ou telle scène. Si Cliffhanger et son très futuriste pistolet à pitons vous avaient déjà fait sourire, préparez vous à des fous rires à la vision de Vertical Limit.

Ça commence avec un sommet de ridicule sur des rochers en carton plâtre imitant très vaguement ceux de la Monument Valley. La petite famille WASP fait de la varappe, perchée à quelques centaines de mètres du sol. Le fils en tête sur des coinceurs pourris est en pleine de discussion de comptoir avec sa frangine, vachée sur deux friends à un relais des plus gazeux, le père, vieux sage des parois, recommande de placer une protection supplémentaire. Trop tard, la panique balaie d'un coup de fouet cette sérénité un peu trop louche, un dévissage plus tard et tout ce beau monde pendouille sur la même corde, au bout d'un friends évidemment foireux. C'est toute la grosse machine hollywoodienne du suspense qui se met alors en place, à grand renfort de gros plans franchement laids sur les visages trop maquillés de nos protagonistes. Combien de temps la quincaillerie va t-elle tenir ? Le réalisateur Martin Cambpell, qui nous avait pourtant habitué à mieux, nous refait le coup de La Sanction (film de Clint Eastwood sur la face Nord de l'Eiger), celui du sacrifice par corde coupée et évite de nous montrer l'issue de ce sauvetage impossible. La noble mort de ce père dévoué sera le trauma qui hantera nos deux héros, un frère et une sour, parité oblige.

C'est aussi ce qui donnera, tant bien que mal, un minimum de consistance aux personnages. On remarque également que la gestuelle de l'escalade est vue sous un angle franchement viril, ici, des jetés No Foot hallucinants succèdent à des tractions bruyantes, les pieds ne servant apparemment qu'à amortir des chutes ou plutôt des sauts démentiels vers des vires salvatrices. Est-ce là la persistance du symptôme gros bras à la Stallone, via la fameuse croix de fer de Tom Cruise au début de sa deuxième mission impossible ? La varappe version Hollywood n'est en tout cas pas une affaire de fillettes.

Puis un gros flash-forward nous projette trois ans plus tard en plein Himalaya, sur fond de conflit indo-pakistanais douteux. Le décorum de la haute montagne réussit mieux au film, avec des séquences qui, si elles ne gagnent pas forcément en plausibilité, bénéficient de la magnificence de l'environnement. Cela n'empêche pas le film de s'obstiner à reproduire le schéma de la scène d'ouverture, avec néanmoins de légères variations que le changement de terrain impose. Autrement dit, c'est la chute assurée jusqu'à ce que, par je ne sais quel miracle dont ce film a le secret, l'outil sauve : le piolet, le piton, la corniche, la rambarde d'hélico, .Bref tout un catalogue du préhensile salvateur dans ce monde si hostile. Le film épuise ce principe jusqu'à la moelle, tout en nous infligeant de véritables acrobaties d'altitude digne des meilleurs numéros d'Arlette Grüss. Autant dire que le gigantissime camp de base du K2 nous fait de plus en plus penser à un authentique chapiteau de cirque. Avec beaucoup d'indulgence, on pourra tout de même voir dans Vertical Limit, une gentille dénonciation des expéditions publicitaires, celles des buisness men US qui, à coup de dollars bien plus qu'à coups de piolets, croient pouvoir atteindre les cimes enneigées du prestige.

En somme, Vertical Limit est un gros recyclage pas bien méchant, pas neuf pour un sou, mais dont la folle pitrerie des cascades sauve le spectateur de l'ennui. " Ne bougez pas ", à ce slogan de l'affiche du film, j'ajouterai : " restez chez vous ".

 

 

Florent Wolff - U-Climb.com

 

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